lundi 7 janvier 2013

(2) PIB, énergie, et temps de travail


En réalité, ce qui apparait comme une forte progression de productivité horaire n'est qu'une conséquence de la croissance de l'énergie consommée par notre économie, et de la forte corrélation au niveau mondial entre PIB en devise constante et consommation d'énergie :

Au niveau français :


Le PIB, en tant qu'indicateur de mesure de la production de richesse (marchande uniquement), peut être décomposé en une composante humaine (directement issue du travail humain) et une composante énergétique (la consommation d'énergie permettant la production de richesse en question).

Pour sommer des heures travaillées avec de l'énergie consommée, on doit nécessairement choisir une formule de conversion entre les 2. Les calculs ci-dessous reprennent les hypothèses de JM.Jancovici, à la fois sur le temps humain nécessaire pour développer un kWh mécanique ou thermique, et sur la répartition mécanique/thermique de l'énergie utilisée par les différents secteurs d'activités (agriculture, industrie, chauffage, raffinerie, transports).
Cela mène en ordre de grandeur aux observations suivantes :
1) chaque 'heure travaillée' (heure réellement travaillée ou fournie par une consommation d'énergie) produit environ 0.25€ de PIB :


2) on peut décomposer le PIB en somme d'un PIB humain et d'un PIB énergétique. La part humaine de notre PIB est actuellement de l'ordre de 0.6%.

3) le PIB humain est de l'ordre de 10 milliards d'euros 2005 par an, quand le PIB énergétique se compte en milliers de milliards d'euros 2005 par an. La faible part humaine dans le PIB fait qu'il est difficile de l'appréhender sans avoir recours à une échelle logarithmique :

4) PIB humain et PIB énergétique ont tous 2 connus une forte progression depuis 1973. Le PIB humain a été multiplié par 5.7 tandis que le PIB énergétique a été multiplié par 9.7, ce qui représente une croissance annuelle de 4.82% pour le PIB humain et de 6.33% pour le PIB énergétique :

5) PIB humain et PIB énergétique ont tous 2 connus une progression de leur efficacité depuis 1973. Tandis que la productivité du PIB humain (PIB humain en euros 2005 par heure travaillée) a été multipliée par 1.29, l'efficacité du PIB  énergétique (PIB énergétique en euros 2005 par kWh consommé) a été multipliée par 1.75, ce qui représente une croissance annuelle de 0.70% pour la productivité du PIB humain et de 1.53% pour l'efficacité du PIB  énergétique :

Voilà qui donne une image assez différente de la progression de la productivité horaire (PIB en euros constant par heures travaillées) et de l'efficacité énergétique (PIB en euros constant par unité d'énergie consommée) :

Si l’on envisage le plus long terme, voici comment l’INSEE projette la population active française en 2050 :

Avec une population active de 28.5 millions en 2050 travaillant tous 1607 heures par an, et en prolongeant la tendance de croissance de la productivité du PIB humain, on obtient un PIB humain de 15.8 milliards € 2005 à l’horizon 2050.

Voyons ce qu'il en est du PIB énergétique.

(1) chômage et temps de travail

Imaginons le temps de travail comme un gros gâteau, que l'on pourrait partager.


Pour que tous les actifs français de 20 à 64 ans puissent avoir un emploi, il faudrait que chacun travaille 1480 heures par an (rappel : la durée légale annuelle du travail est de 1607 heures). A noter que ce rapport a fortement diminué depuis 1975 :
Comme d'autres l'ont souligné, ceci est principalement du à l'amélioration de la productivité depuis 1945 :

Formidable bond de productivité en effet. Le PIB par heure travaillée a été multiplié par 2.29 depuis 1973, ce qui correspond à une croissance annuelle de 2.20%, tandis que le PIB en euros de 2005 a connu une croissance annuelle moyenne de 6.58% depuis 1973.
Depuis 1970, on aurait donc pu envisager un autre partage du travail : réduire le temps de travail pour mieux le partager, au lieu de s’engager dans une course à la consommation de biens inutiles.
Il est encore temps, non de manière autoritaire et uniforme, mais à la demande du salarié et secteur par secteur. Pour ne pas dégrader la compétitivité de nos entreprises, cela n'est imaginable qu'avec une réduction du salaire 'proportionnelle' à la réduction du temps de travail.
On pourrait lancer cela prioritairement pour les métiers pour lesquels la durée du travail est la plus longue :
(rappel : la durée légale annuelle du travail est de 1607 heures)

Pour inciter les entreprises à embaucher, on pourrait également envisager de reverser une partie des coûts d’indemnisation chômage économisés aux entreprises qui embauchent suite à des baisses de temps de travail.

Les dépenses publiques pour les politiques du marché du travail en France s'élevaient en 2009 à 45 milliards d'euros, soit 2.42% du PIB. La même année, les dépenses publiques représentaient 56.2% du PIB. Les dépenses publiques pour les politiques du marché du travail ne représentent donc "que" 4.31% des dépenses. Cela inclut les dépenses des services du marché du travail, des mesures actives (formation professionnelle, incitations à l'emploi, emploi protégé, création directe d'emploi, aide à la création d'entreprise), et des mesures de soutien (maintien et soutien du revenu en cas de perte d'emploi, préretraites).
Cela représente quand même de l'ordre de 1,15 SMIC brut par chômeur (dont presque 0,65 SMIC brut par chômeur en dépenses pour maintenir et soutenir le revenu en cas de perte d'emploi) :

Si le passage de 4 salariés d'un plein temps à 4/5ème permet à une entreprise d'embaucher un salarié supplémentaire, je propose que 70% d'un SMIC brut soit re-distribué à parts égales entre les salariés ayant réduit leur temps de travail, l'entreprise et l'Etat (cela représenterait 330€ mensuels par embauche pour l'entreprise, et 83€ mensuels pour les salariés passant à 4/5ème). Ce système incitatif serait dégressif mois par mois pour s'annuler au bout de 2 ans.


La réduction du temps de travail est d'ailleurs un mouvement lent assez généralisé :


Mais il faut garder en tête que cette réduction du temps en travail ne pourra être que temporaire, car le PIB chutera inévitablement lorsque la consommation d'énergie décroitra par épuisement des ressources. A suivre...