mercredi 13 février 2013

(3) énergie, PIB, et efficacité énergétique

On a vu précédemment que le PIB peut être décomposé en une composante humaine et une composante énergétique (actuellement 99.4%), l'efficacité du PIB énergétique ayant connue depuis 1973 une croissance annuelle de 1.53% et la productivité du PIB humain une croissance annuelle de 0.70%.
Les projections démographiques et les gains de productivité du PIB humain permettent d'évaluer un PIB humain à l'horizon 2050, mais le PIB énergétique étant prépondérant il nous faut étudier le devenir de la consommation énergétique et de l'efficacité énergétique du PIB énergétique.

Si on extrapole l'évolution de l'efficacité énergétique du PIB énergétique sur la base de ce qui a été observé entre 1973 et 2010, et qu'on se donne des objectifs de croissance du PIB supérieurs à 1% par an, on obtient mécaniquement une croissance de la consommation énergétique :

De cela ressort bien l'absurdité de vouloir atteindre une croissance inifinie du
PIB dans un monde physique fini dont les réserves s'épuisent, mais on constate que soutenir l'effort sur l'efficacité énergétique permettrait de contenir la consommation énergétique tout en obtenant une croissance annuelle du PIB supérieure à 1%. Si l'on consomme 3200TWh d'énergie primaire en 2050 et que l'efficacité énergétique du PIB énergétique a continué sa progression, on peut obtenir une croissance annuelle du PIB de 1.66% sur la période 2010-2050.

Dans le cadre de la loi de programme fixant les orientations de la politique énergétique (loi POPE du 13 juillet 2005), la France s’est fixée comme objectif de diviser par quatre ses émissions de gaz à effet de serre à l’horizon 2050.

Si on se donne comme objectif de diviser par 4 d'ici 2050 la consommation
énergétique, tout en conservant notre extrapolation de l'évolution de l'efficacité énergétique du PIB énergétique, on obtient un PIB en nette décroissance :
Vouloir diviser par 4 la consommation énergétique est un peu sévère, puisque seul 50% de notre consommation énergétique est actuellement de l'énergie carbonée :

Si on se donne comme objectif de diviser par 4 d'ici 2050 la consommation d'énergie carbonée, on saura maintenir le niveau actuel du PIB en extrapolant l'évolution de l'efficacité énergétique du PIB énergétique sur la base de ce qui a été observé entre 1973 et 2010, mais il faudra que cette efficacité progresse plus rapidement si l'on veut obtenir une croissance du PIB :
Diviser par 4 la consommation d'énergie carbonée à l'horizon 2050 tout en visant une croissance annuelle du PIB de 2% demanderait une croissance annuelle de l'efficacité énergétique du PIB énergétique de 3.22% jusqu'en 2050 (rappel : elle était 1.53% entre 1973 et 2010).

En réalité :
1) notre consommation d'énergie sera contrainte par la raréfaction des ressources
(peak oil),
2) nous devons être ambitieux dans nos objectifs de réduction de nos émissions de
gaz à effet de serre,
3) et notre PIB sera impacté par ces efforts.


La réponse à cette réalité est forcément une combinaison des différentes réponses envisagées ci-dessus :
• réduire notre consommation d'énergie,

• décarboner notre mix énergétique,
• améliorer notre efficacité énergétique,
• et en plus de nos efforts pour tenter de décorréler PIB et consommation
d'énergie, il nous faut également anticiper que notre PIB ne pourra pas perpetuellement croître.

En tous cas on ne peut pas se contenter de cette évolution tendancielle :


La croissance du PIB à tout prix ne doit plus être un objectif en soi ; la réduction de l'intensité énergétique du PIB peut en être un.

L'aspect "efficacité énergétique" peut être partagé en trois catégories :
• Efficacité à la production (principalement lors de la production d'électricité) :
actuellement plus de 30% de l'énergie primaire consommée est perdue (c'est-à-dire non consommée pour un de ces usages finaux : sidérurgie, industrie, résidentiel-tertiaire, agriculture, transports).
• Efficacité à la consommation : notamment en isolant mieux nos logements.
• Sobriété : accepter de changer nos comportements pour moins consommer d'énergie,
quitte à sacrifier un peu de sacro-saint PIB au passage.

Il nous faut faire preuve de volontarisme pour entraîner le monde sur le chemin d'une réduction des émissions mondiales :
Réduire notre consommation aura un impact sur nos modes de vie, puisqu'il s'agit d'optimiser la consommation d'énergie répondant aux services énergétiques suivant :
• chaleur,
• mobilité,
• électricité spécifique (éclairage, électroménager, informatique, bureautique,
moteurs électriques, etc...).

Cette transition doit être planifiée. L'étude la plus poussée que j'ai trouvé sur le sujet est celle de l'association négaWatt :
Leur scenario tendanciel estime à 3098 TWh la consommation d'énergie primaire en 2050. Sur ce montant, l'association estime que 67 % pourraient être évités : 18% par des actions de sobriété et 49% par une politique d'efficacité énergétique.
Le scenario négaWatt inclut également "un arrêt maîtrisé et cohérent de toute production d’électricité nucléaire en 2033", mais je m'intéresse ici surtout au volume de consommation énrgétique, plus qu'aux sources d'énergie (hormis la réduction de la part des énergies carbonées, nécessaires pour réduire nos émissions de C02). 

Le document de synthèse du scénario négaWatt 2011 vise en 2050 des usages finaux de l'énergie égaux à 849TWh. D'après mes calculs, ce scenario revient à :
• viser une croissance annuelle de l'efficacité énergétique du PIB énergétique de 2.30% jusqu'en 2050 (rappel : elle était 1.53% entre 1973 et 2010), et
• accepter une croissance annuelle du PIB de 0.40% entre 2010 et 2050.

Comme expliqué ailleurs, cette relative stagnation du PIB n'est pas forcément un aspect négatif, puisque la pertinence de l'indicateur PIB n'est pas démontrée. Le défi est bien celui de réduire le chômage durant une phase de transition pendant laquelle le PIB sera stagnant.

La diminution des énergies fossiles disponibles et la réduction volontaire de nos émissions de gaz à effet de serre ne doivent pas nous faire craindre de voir se réaliser la théorie d'Olduvai et autres prévisions apocalyptiques qui annoncent une période de conflits armés et la chute de la population mondiale à 1 milliard d'habitants en 2100. D'abord le développement de la civilisation industrielle ne peut être réduit au seul indicateur de la production mondiale d'énergie par habitant, et ensuite c'est à nous de nous retrousser les manches pour décorréler consommation d’énergie, PIB et population.

Pratiquement, je termine avec quelques reflexions de J.M.Jancovici sur la transition énergétique :
• la première priorité est de "sortir" gaz et fioul du chauffage des bâtiments, pour les remplacer par de l’isolation, des pompes à chaleur et de la biomasse,
• la deuxième priorité est de décarboner l’industrie lourde (productrice de matériaux de base : ciment, acier, chimie, métallurgie des non ferreux, papier-carton),
• la troisième priorité est de diminuer aussi vite que possible la consommation (et donc la taille et la puissance) des véhicules à pétrole.

1 commentaire:

  1. Le bâtiment représente 42% de la consommation d’énergie finale, et les transports 32% de la consommation d’énergie finale. Voilà les premiers sujets à adresser.

    Encouragements,

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