vendredi 22 novembre 2013

alimentation et petrole

Les cours des produits alimentaires de base semblent erratiques du fait de la spéculation à laquelle ils sont soumis. Le "prix du pain" est sans doute à l'origine de troubles politiques récents dans des pays étrangers comme il a participé au déclenchement de la révolution française de 1789.
Les hausses du prix des matières premières et celle des montants investis dans les fonds spéculatifs sur ces marchés sont simultanées, mais cela ne dit pas quelle hausse est la cause de l'autre : 
La hausse des cours des denrées alimentaires s'accompagne également d'une hausse des rendements des marchés spécialisés, jusqu’à être plus rentable que les placements dans le pétrole ou les actions fin 2007 au pic des prix alimentaires :
http://www.senat.fr/rap/r11-504/r11-50465.html

A y regarder de plus près, les cours alimentaires ne sont pas si erratiques, mais suivent assez bien les cours du pétrole :

Même là où on ne s'attendait pas à trouver un lien avec le pétrole, la corrélation des prix du pétrole et des denrées alimentaires est bien réelle.
Frank Shepard

5% de l’énergie consommée en France l’est par l’agriculture, et 10 % par l’industrie agroalimentaire. Deux tiers du pétrole consommé par l'agriculture l'est de manière indirecte (pesticides, engrais, plastique...) contre un tiers de manière directe (gasoil pour le tracteur). Plus de la moitié de l’énergie fossile utilisée pour l’agriculture sert à la synthèse des engrais.
Pour les cultures dites "conventionnelles", 26,5% des charges d'exploitations sont liées au prix du pétrole à travers l'énergie (chauffage, carburant), les engrais et les produits phytosanitaires. Pour les grandes cultures (céréales, oléagineux et fourrage) la proportion passe à 46,5%.
Walter Youngquist dans Post-Petroleum Paradigm note: "Environ 90% de l'énergie nécessaire à la production des cultures est du pétrole et du gaz. Environ un tiers de l'énergie sert à réduire la durée du travail de 200 heures par hectare à 1,6 heures par hectare, pour la production de céréales. Environ deux-tiers de l'énergie est pour la production, dont un tiers rien que pour les engrais."
Le rendement agricole du blé a décollé quand on s'est mis à utiliser des engrais, dont la fabrication nécessite beaucoup de pétrole, baguette magique de la "révolution verte" d'après-guerre : 

Dans le même temps, on voit la production mondiale d'engrais azotés exploser :
Quelques courbes montrent assez bien la corrélation entre consommation de pétrole (ou production d'engrais) et productivité agricole.
ou pour le Royaume Uni :

Le risque d'une économie agricole inféodée à celle du petrole parait clair : une baisse de la production pétrolière et une augmentation du prix du petrole, provoquerait une baisse de la productivité agricole et une augmentation des prix alimentaires.

Hors une baisse de la production pétrolière est inéluctable puisque la ressource est finie et que la consommation est actuellement bien supérieure à la capacité de renouvellement des stocks. Une augmentation du prix du pétrole l'est aussi (du fait de la rareté), et il est même souhaitable que nous la provoquions de manière contrôlée (par une taxe carbone) afin de limiter les changements climatiques et de construire la transition énergétique plutôt que de la subir.

Pour ne pas vivre une explosion des prix alimentaires, il faut donc chercher à décoréler alimentation et petrole.

Cela passe par des changements des méthodes agricoles, des changements des circuits de distribution, des changements des modes de consommation.

1) méthodes agricoles.
Pour se désintoxiquer des engrais azotés, l'agroécologie semble la voie la plus prometteuse. Cela permettra en outre d'arrêter les dégâts écologiques et humains causés par l’industrialisation de l'agriculture. Cela passe notamment par la remise en cause d'un modèle unique et figé d'exploitation agricole non adaptée à la diversité des terrains, par la réduction drastique de l'utilisation des engrais, la limitation de l'utilisation d'engins agricoles mécaniques (le retour des chevaux de trait?).

2) circuits de distribution.
Privilégier les circuits de distribution courts d'aliments non transformés. Cela rejoint la nécessité de relocaliser la production agricole, et aura aussi pour conséquence de re-différencier les modes d'alimentation entre régions.

3) modes de consommation.
Loin d'affirmer que notre mode de vie n'est pas négociable, je prétend que comme il nous faudra modifier notre rapport à l'espace (moins de déplacement) et se ré-approprier le temps, il nous faudra aussi modifier notre alimentation : réduire nos surconsommations en glucides et protéines, rééquilibrer le rapport entre protéines animales et protéines végétales. Cela signifie manger des légumes et fruits de saison, cultiver son jardin, limiter sa consommation de viande. 
 Les innovations ne sont pas à négliger non plus. L'élevage et la consommation d'insectes pourraient être une solution d'avenir, source de protéines nécessitant peu d'espace et peu d'énergie. 

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