mercredi 28 septembre 2016

les primaires en politique

Je pense que les primaires organisées avant les élections, par exemple l'élection présidentielle américaine ou l'élection présidentielle française, ne sont pas bonnes pour la démocratie.

Je comprends bien que les primaires ont pour but, pour chaque parti, de ne retenir qu'un seul candidat, celui qui a le plus de chances de gagner.
Par la primaire, chaque camp sélectionne un candidat unique et l'impose en éliminant tous les autres : les primaires nous privent donc de choix et de liberté, dès avant l'élection !

Le problème des primaires, c'est qu'elles accentuent la bipolarisation de la vie politique, au détriment du pluralisme. On en arrive au bipartisme, comme aux Etats-Unis, et à l'extrême, au manichéisme : pour le sociologue Jacques Grand’Maison, « l'esprit manichéen transforme toute distinction en opposition et ramène systématiquement la complexité du réel à deux termes qui s'excluent », en recourant à des stéréotypesLes primaires renforcent le poids des partis politiques et leur dépendance aux intérêts privés de ceux qui ont les moyens de les financer. Les primaires assèchent l'innovation des idées. Les primaires entraînent les électeurs au delà même de la logique du vote utile, déjà néfaste, pour en faire des électeurs tacticiens.

Face à l'élection primaire d'un camp, le dilemme politique est le suivant :
* les sondeurs affirment que le candidat qui sortira de ces primaires a une forte probabilité d'être le prochain président de la République ;
* même si il y a très peu de chances pour que je vote pour ce candidat au premier tour des élections présidentielles, j'ai l'opportunité de peser pour que celui-ci ne soit pas trop mauvais à mes yeux.
Voter à cette primaire serait purement tactique (du billard à 3 bandes) et pas complètement honnête.

Comme l'écrit Eric Dupin, "successivement de conviction, utile ou stratège, le vote est aujourd'hui devenu tacticien".

Le vote utile de l'électeur stratège consiste à choisir son bulletin de vote non plus en fonction de son identité politique et de ses fidélités ancestrales, mais en rapport avec les chances supposées de victoire des candidats en présence. L'omniprésence des sondages d'intentions de vote joue en rôle majeur dans cette conversion de l'électeur aux calculs politiques au détriment de ses convictions propres. L'électeur tacticien est le stade suprême de l'électeur stratège. Il ne s'agit plus alors de composer pour faire triompher son camp politique mais de ruser pour éviter le pire. Dans un contexte de désaffiliation partisane et de désarroi idéologique, le citoyen déboussolé en est réduit à se demander comment donner un coup de pouce à celui qu'il considère comme le moindre mal.

Enfin, les primaires nous infantilisent, et mettent en scène des personnalités plutôt que des idées en réservant l'attention médiatique à des personnalités narcissiques. Comme Maxime Tandonnet, je pense que "il ne devrait pas y avoir de primaires si l’intérêt général primait sur la mégalomanie." Pendant la campagne des primaires, chaque candidat cherche à se démarquer de ses concurrents de son propre camp, tout en jouant des symboles et "marqueurs" politiques de son camp, puisqu'il ne fait campagne pour convaincre qu'une partie des électeurs déjà acquise à son camp. Après avoir été retenu comme seul "champion" de son camp, le candidat retenu devra inévitablement négocier avec l'appareil de son parti dont il attend un soutien financier lors de sa campagne (ce qui tuera l’innovation idéologique), et sera tenté de diluer et amollir son programme pour pouvoir s'adresser à tous les électeurs.


Pour sortir de l'impasse du scrutin majoritaire à deux tours que l'inversion des calendriers des élections présidentielles et législatives a poussé à une logique de primaires, certains souhaitent une sixième république, aux contours encore flous.

Contre la bipolarisation, le scrutin proportionnel donnent des majorités difficilement gouvernables, je milite pour le vote de valeur.

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