jeudi 13 juin 2019

états d'âme des étudiants


Ce réveil de la conscience des futurs ingénieurs et cadres techniques, on le retrouve également chez les étudiants en école de commerce et d'autres formations, comme le prouve la diversité de la liste des signataires du manifeste étudiant pour un réveil écologique, dont je cite ici de larges extraits, autant parce que je m'y reconnais que parce qu'ils me paraissent significatifs de l'évolution des mentalités de ceux qui préfèrent inventer aujourd'hui le système de demain plutôt que faire tourner demain le système d'aujourd'hui :

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Le fonctionnement actuel de nos sociétés modernes, fondé sur la croissance du PIB sans réelle considération des manques de cet indicateur, est responsable au premier chef des problèmes environnementaux et des crises sociales qui en découlent. Nos systèmes économiques n’ont toujours pas intégré la finitude des ressources ni l’irréversibilité de certaines dégradations écologiques. Nos systèmes politiques, contraints par l’expression d’intérêts contradictoires souvent éloignés de l’intérêt général, peinent à proposer une vision à long terme et à prendre des décisions ambitieuses effectives pour un renouveau de société. Nos systèmes idéologiques, enfin, valorisent des comportements individualistes de recherche du profit et de consommation sans limite, nous conduisant à considérer comme « normaux » des modes de vie pourtant loin d’être soutenables.
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Nous sommes de plus en plus nombreux à penser qu’un changement radical de trajectoire est aujourd'hui l’option qui nous offre les perspectives d’avenir les plus épanouissantes. [...] Nous nous apercevons que le système dont nous faisons partie nous oriente vers des postes souvent incompatibles avec le fruit de nos réflexions et nous enferme dans des contradictions quotidiennes. [...] Nous, futurs travailleurs, sommes prêts à questionner notre zone de confort pour que la société change profondément.
[...]
Nous affirmons qu’il est possible de bien vivre sans sombrer ni dans l'ultra-consommation ni dans le dénuement total ; que l’économie doit être consciente de sa dépendance à son environnement pour être pérenne ; et que la réponse aux problèmes environnementaux est cruciale pour la réduction des inégalités et des risques de conflits. La société que nous voulons n’est pas une société plus dure, plus triste, de privation subie ; c’est une société plus sereine, plus agréable, de ralentissement choisi.
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En tant que citoyens, en tant que consommateurs, en tant que travailleurs, nous affirmons donc dans ce manifeste notre détermination à changer un système économique en lequel nous ne croyons plus. Nous sommes conscients que cela impliquera un changement de nos modes de vie, car cela est nécessaire : il est grand temps de prendre les mesures qui s’imposent et de cesser de vivre au-dessus de nos moyens, à crédit de la planète, des autres peuples et des générations futures. Nous avons besoin d’un nouvel objectif que celui du maintien à tout prix de notre capacité à consommer des biens et des services dont nous pourrions nous passer. Nous devons placer la transition écologique au cœur de notre projet de société.
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Cette prise de conscience des étudiants, gagnant en lucidité sur la société qu'ils vont intégrer prochainement en tant que contributeurs économiques actifs, me renvoie à ma propre prise de conscience de ces dernières années (les premiers posts de ce blog en 2011 ne faisaient que peu de place aux causes systémiques des enjeux climato-énergétiques), ainsi qu'au livre "Candide jeune ingénieur, fait de la résistance", de Jean-Noël Contensou, que j'ai lu il y a quelques années. Le héros étudiant s'y interroge sur ses motivations et tente de comprendre ce qu'il est amené à devenir : un mercenaire prêt à s’investir dans la conception et la fabrication de tout ce qui se vend, quels que soient les dégâts collatéraux. Prenant conscience de sa collaboration à un envahissement technologique aveugle et condamnable, il fait le choix conscient et courageux de renoncer à une carrière brillante mais douloureuse, au profit d'ambitions humaines et intellectuelles à sa mesure.

C'est le chemin que nous sommes un certain nombre à parcourir en ce moment.

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