jeudi 13 juin 2019

science et technique : états d'âme de l'ingénieur

J'ai écouté récemment le discours honnête et courageux de Clément Choisne à sa remise de diplôme d'ingénieur de Central Nantes.

Commençant par une citation d'Albert Camus très à propos, « Chaque génération, sans doute, se croit vouée à refaire le monde. La mienne sait pourtant qu'elle ne le refera pas. Mais sa tâche est peut-être plus grande. Elle consiste à empêcher que le monde se défasse. », le nouveau diplômé exprime ensuite les doutes des jeunes attirés et/ou doués par les matières scientifiques et se retrouvant à collaborer à un envahissement exponentiel de nos vies par la technologie, et une course puérile à la consommation :
« Comme bon nombre de mes camarades, alors que la situation climatique et les inégalités de notre société ne cessent de s’aggraver, que le GIEC pleure et que les êtres se meurent, je suis perdu, incapable de me reconnaître dans la promesse d’une vie de cadre supérieur, en rouage essentiel d’un système capitaliste de surconsommation. [...] L’éthique, c’est ce que doit retrouver l’ingénieur, et ne pas perpétuer les erreurs du passé et du sacro-saint progrès qui devrait et pourrait toujours nous sauver. Je vous rappelle par exemple que nous, ingénieurs, sommes les géniteurs de l’obsolescence programmée. [...] Je pense qu’il n’est pas trop tard de faire de Centrale Nantes un laboratoire de solutions techniques sobres et durables, de changer la donne et de construire un futur souhaitable où l’argent n’est plus la seule valeur. »
Et Clément Choisne termine son discours par une autre citation tout aussi à propos : « Ne doutez jamais qu'un petit groupe d'individus conscients et engagés peuvent changer le monde. C'est toujours comme cela que ça s'est passé », Margaret Mead.


Pour ma part, je pense avec Hervé Kempf qu'il est temps de remettre l’activité scientifique au service de l’intérêt général. La plupart des profils scientifiques ont été pervertis par notre système, et amenés à développer des technologies non parce qu'elles répondent à nos problématiques communes à long terme mais parce qu'elles peuvent enrichir des intérêts individuels à court terme (en cela bien aidé par la publicité), ou parce qu'elles peuvent accroître la productivité de l'activité industrielle (même si cela supprime du travail humain, augmente la consommation d'énergie primaire et les émissions de gaz à effet de serre), et cela sans peser ou assumer les risques et les inconvénients, et parfois les conséquences néfastes. Plutôt que d'avoir des scientifiques au service de lobbies ou d'intérêts particuliers, Hervé Kempf propose une maîtrise publique de l'activité scientifique, pouvant même s'impliquer démocratiquement dans le choix des pistes de recherche. Vaste programme.

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