mardi 10 janvier 2017

répartition des rôles entre experts et citoyens

Benoît de Haas propose sur Démocratie Ouverte de positionner le citoyen non pas comme faiseur d'opinion ou comme expert, mais bien comme décideur, en lui donnant les éléments lui permettant de décider :

Au niveau législatif national, une Chambre des Citoyens tirée au sort devra effectivement être informés par ceux qui ont la connaissance et l'expertise du sujet : appelons-les des experts (expertise acquise par les études et/ou l'expérience du terrain). C'est bien les citoyens qui doivent avoir le pouvoir décisionnaire, dans le cas du pouvoir législatif, le pouvoir de rédiger et voter les lois. Ce pouvoir décisionnaire peut  être exercée directement ou par délégation, selon les principes de la "démocratie liquéfiable" (sic !).

Après décision par les citoyens, je pense que les mieux placés pour mettre en oeuvre la décision des citoyens (au niveau national, cela consiste à exercer le pouvoir exécutif, c'est-à-dire gérer la politique courante de l'État et de contrôler l'application de la loi élaborée par le pouvoir législatif) sont des experts de leur domaine.

Il s'agit bien des séparer les rôles des citoyens et des experts.

Voter

En octobre 1885, Elisée Reclus écrivait Le Revolté :
« Voter, c’est abdiquer ; nommer un ou plusieurs maîtres pour une période courte ou longue, c’est renoncer à sa propre souveraineté. Qu’il devienne monarque absolu, prince constitutionnel ou simplement mandataire muni d’une petite part de royauté, le candidat que vous portez au trône ou au fauteuil sera votre supérieur. Vous nommez des hommes qui sont au-dessus des lois, puisqu’ils se chargent de les rédiger et que leur mission est de vous faire obéir. Voter, c’est être dupe ; c’est croire que des hommes comme vous acquerront soudain, au tintement d’une sonnette, la vertu de tout savoir et de tout comprendre. Vos mandataires ayant à légiférer sur toutes choses, des allumettes aux vaisseaux de guerre, de l’échenillage des arbres à l’extermination des peuplades rouges ou noires, il vous semble que leur intelligence grandisse en raison même de l’immensité de la tâche. L’histoire vous enseigne que le contraire a lieu. Le pouvoir a toujours affolé, le parlotage a toujours abêti. Dans les assemblées souveraines, la médiocrité prévaut fatalement. »

Le début me plait bien, la fin bien moins.

Si je reprends ces arguments :

* "Voter, c’est abdiquer, [...] renoncer à sa propre souveraineté" : ma réponse à cela s'appelle la démocratie liquide, ou plus précisément la démocratie liquéfiable (sic !).

* "le candidat que vous portez au trône ou au fauteuil sera votre supérieur" : je n'espère pas un monarque ; il est indispensable de sortir rapidement de cette névrose nationale autour des élection présidentielles.

* "Vous nommez des hommes qui se chargent de rédiger les lois et leur mission est de vous faire obéir" : la stricte séparation des pouvoirs est la première pierre : rédiger les lois doit être la prérogative du seul Parlement (ce Parlement doit être maître de son ordre du jour, et le Gouvernement, président ou pouvoir exécutif ne doit pas être le seul à proposer des thèmes à légiférer), et faire obéir aux lois ("contrôler l'application de la loi élaborée par le pouvoir législatif").

* "Voter, c’est être dupe ; c’est croire que des hommes comme vous acquerront [...] la vertu de tout savoir et de tout comprendre" : je pense que le gouvernement doit être composé des meilleurs experts dans leur domaine, et que les citoyens tirés au sort pour participer à la Chambre des Citoyens reçoivent une formation sur les questions budgétaires et juridiques.


* "Le pouvoir a toujours affolé" : Perte du sens des réalités, intolérance à la contradiction, actions à l’emporte-pièce, obsession de sa propre image et abus de pouvoir, arrogance, narcissisme, mépris, prétention, manipulation, sentiment de toute puissance et d'invulnérabilitéc'est ce qui caractérise le syndrome d'hubris. Pour Sylvain Bosselet, la soif du pouvoir est plus forte que les idées. Ce ne serait pas tant  une question de vérité, abstraite, que d’action, concrète : avoir raison permet d’imposer son choix d’action. Le pouvoir égotiste est une forme primaire, enfantine, de la soif de liberté.

* "Dans les assemblées souveraines, la médiocrité prévaut fatalement" : Anti-parlementarisme anarchiste. Peut-être que des assemblées d'hommes politiques professionnels concentrés sur leur ré-élection génèrent des parlotes médiocres. Croyant en l'intelligence humaine, je suis convaincu que le non-cumul dans le temps des mandats et l'instauration d'une Chambre des Citoyens tirée au sort donneraient des assemblées législatives aux discussions riches et efficaces.

On peut voter blanc si aucune des propositions ne nous convient, mais ne pas voter c'est refuser son devoir de citoyen, c'est décider de subir le pouvoir des autres. De quoi donner envie d'écrire des argumentaires contre l'abstention. Et si le système électoral actuel ne nous convient pas, nous ferions mieux de voter pour des propositions alternatives (ou représenter nous-mêmes ces propositions dans les élections) plutôt que de nous abstenir.


revenu citoyen universel

Ce que j'appelle allocation universelle ou dotation inconditionnelle d'autonomie, Nicolas Bernabeu l'appelle revenu citoyen universel, et je reprends son schéma :