lundi 31 décembre 2012

taxes douanières contre les exploiteurs, les pollueurs, les paradis fiscaux

Les auteurs du livre "vingt propositions pour sauver le capitalisme" proposent d’imposer des taxes douanières autour de l’Union européenne, qui pénalisent les biens importés des pays :
  1. qui ne respectent pas les conditions de travail « décentes » préconisées, e.g., par le Bureau International du Travail ;
  2. qui ne respectent pas le protocole de Kyoto sur la réduction des émissions des gaz à effet de serre (soit qu’ils ne les aient pas signés, soit qu’ils ne les appliquent pas) ;
  3. qui pratiquent une fiscalité biaisée faisant d’eux des paradis fiscaux (au sens de la liste dressée par le Fond Monétaire International en 2007 ou par l’ONG Tax Justice Network).
J'adhère à cette idée. Appliquons immédiatement des taxes aux produits importés des 3 catégories de pays ci-dessus (taux à décider), avant de mettre en oeuvre progressivement sur 5 ans des taxes d’importation (toujours à l’échelle européenne) construites objectivement sur 4 critères :
  1. taxe compensant la différence d'engagement écologique (par exemple le contenu en CO2 du produit importé, multiplié par la différence du taux de la taxe carbone entre le produit producteur et l’Union Européenne),
  2. taxe sur les émissions de CO2 causées par le transport depuis le pays de fabrication,
  3. taxe compensant la différence d'engagement des pays dans les dépenses sociales,
  4. taxe compensant la différence de coût du travail entre les pays.
Concernant la fiscalité biaisée, certains pays de l'Union Européenne devront clarifier leur fiscalité afin de pouvoir rester : le Luxembourg, l'Irlande, le Royaume-Uni, la Belgique.
La Suisse sera fortement incitée à réviser ses accords fiscaux.

dimanche 9 décembre 2012

TAN et progressivité

L'actuel impôt sur le revenu, avec le système des tranches, est progressif :
Taux marginaux et réels de l'impôt sur le revenu français en 2007
même notre système fiscal est au global faiblement progressif, voire franchement regressif pour les 2% les plus aisés, comme l'ont montré Camille Landais, Thomas Piketty et Emmanuel Saez :

Un de ses inconvénients est sur l'IRPP ne taxe pas les revenus du capital, qui forment la plus grosse part des revenus des plus aisés : la plupart des hauts revenus et des revenus du capital (intérêts, dividendes, plus-values, loyers) bénéficient d'exemptions particulières et de règles dérogatoires leur permettant d'échapper au barème de l'IRPP.
Un autre inconvénient est que les moins aisés ne sont pas assujettis à l'actuel impôt sur le revenu : l'essentiel de leur imposition est constitué des cotisations sociales et taxes proportionnelles sur les salaires, et d'impôts indirects sur la consommation (TVA en tête).


L'Allocation Universelle, financée par l'Impôt Universel de Redistribution du Revenu, équivaut à un impôt négatif pour les moins aisés. Le taux de l'IURR étant unique fixé à 20%, cela parait abandonner la progressivité de l'impôt, mais l'assiette de l'IURR est l'ensemble des revenus, sans niche, exonération ou impact du coefficient familial, ce qui est quand même un avantage sur l'actuel IRPP.

La Taxe A l'Actif Net serait à taux unique (ou éventuellement avec une 2ème tranche à taux majoré). Encore une fois, cela semble aller vers moins de progressivité.

Cependant, la distribution du patrimoine est plus inégalitaire que la répartition des revenus, qu'on le tire de Wikipedia (données 2003) :

du blog d'Olivier Berruyer :

ou reconstruit à partir des données du site "pour une révolution fiscale" :

Un impôt sur le patrimoine (la TAN), même à taux unique, peut donc se révéler tout aussi progressif qu'un impôt progressif sur le revenu (l'IRPP), surtout si seuls les revenus du travail sont soumis à des taux progressifs.

Avec une Taxe sur l'Actif Net à 1.25%, 20% des citoyens pairaient moins de 15€ par an, et 30% moins de 100€. A cela s'ajouteraient l'IURR pour un montant de 20% de l'ensemble des revenus, les taxes diverses (dont taxes d'importation et taxe carbone), et la TAC (impôt indirect).
Il me manque des éléments pour calculer le taux d'imposition effectif  des différentes catégories de la population, notamment la distribution des revenus de chaque décile de patrimoine, et la part de revenus consommés de chaque décile de revenus.
Cependant, Marc de Basquiat a simulé ici le différentiel de revenu disponible du système qu'il propose, incluant AU+IURR+TAN (mais toujours des cotisations sociales et non la TAC, la CSG et la TVA) :
Sans surprise, ceux qui verraient leur impôt augmenter sont les 20% des foyers possédant le plus de patrimoine, et dans une moindre mesure ceux qui font à la fois partie des 40% les plus riches en patrimoine et des 70% ayant le moins de revenus.
Nous retrouvons la figure du noble désargenté, possédant un château à entretenir, sans toutefois avoir les revenus permettant de le faire. Dans sa version moderne, c'est le vieil agriculteur de l'île de Ré, avec de faibles revenus, mais se retrouvant assujetti à l'ISF car propriétaire de terrains à bâtir dont le prix a explosé.
Je le reconnais, cette transition fiscale fera aussi des mécontents, mais l'objectif est bien de faire porter les prélèvements sur les richesses accumulées, endormies, improductives, pour libérer le travail et l'activité des contraintes de la fiscalité (objectif Oïkos).
La composition du patrimoine des ménages varie selon le niveau de patrimoine (ci-dessous pour la France en 2004), et il s'agit bien ici de taxer le patrimoine dormant :

vendredi 7 décembre 2012

enseignement

Encore une fois, je suis tombé dans le piège, celui de se préoccuper des moyens avant de clarifier les objectifs.

Je pense que le domaine de l'éducation a un rôle clé dans les changements que notre société va vivre, et que nous devons anticiper pour les vivre sereinement.

Le temps n'est plus aux simples réformes de contenu (les programmes) ou d'organisation (les rythmes scolaires par exemple). Ce sont des sujets importants d'accord, mais le plus important n'est pas là.

Le système actuel exacerbe un esprit de compétition et pousse à l'individualisme. Il promeut un idéal de consommation, dans lequel l'important est d'obtenir de confortables revenus sans se préoccuper du bien-être collectif.
Ce système était peut-être le plus adapté pour l'époque de la révolution industrielle, de la reconstruction d'après-guerre ou des 30 glorieuses. Cela a permis de former des individus travailleurs et consciencieux, capables de mettre en application des instructions et de se battre pour réussir.

Mais les défis qui s'annoncent sont ceux d'un monde incertain, dans lequel les enjeux planétaires (écologiques, énergétiques...) seront déterminants. Les inégalités se creusent, et il va nous falloir apprendre à partager intelligement et efficacement des ressources devenant rares, tout en préservant l'avenir de notre planète, donc de l'humanité.

Il faut donc chercher à former des esprits critiques et innovants, capables de prendre de la hauteur et conscients des enjeux complexes qui s'annoncent. Des citoyens optimistes et volontaires.

Dans cette optique, c'est la collaboration et non la compétition qu'il convient de développer, d'autant plus que cela devrait nous rendre plus aptes au bonheur.

Quelques sites intéressants sur le sujet :
les colibris (coopérer pour changer),
l'éducation authentique.

mercredi 5 décembre 2012

chômage et transition

Ah...
Voilà un sujet d'une telle importance qu'il mérite qu'on propose mieux que des recettes de grand-mère (expulser les immigrés, interdire aux immigrés de travailler, limiter l'accès des femmes à la vie professionnelle...).
Comment réduire le chômage quand on se sait dans une économie dont la croissance du PIB sera durablement quasi-nulle ?

D'abord un coup d'oeil dans le rétroviseur :
La consommation mondiale d'énergie et le PIB mondiale sont parfaitement corrélés depuis 50 ans. Donc la variation future du PIB mondiale ne dépend en première approximation que de la variation de la quantité d'énergie disponible à consommer.
PIB mondial en milliards de dollars constants de 2011 (axe vertical) en fonction de la consommation d'énergie mondiale en millions de tonnes équivalent pétrole (axe horizontal), pour les années 1965 à 2011. La corrélation entre les deux grandeurs apparaît clairement.
Compilation JM.Jancovici sur sources primaires BP statistical review, 2012, Shilling et al. 1977, EIA, 2012, et Banque Mondiale (PIB), 2012.

La physique impose que les ressources d'énergie fossiles sont finies, et elles se renouvellent bien plus lentement que la vitesse à laquelle nous les consommons actuellement. Depuis 1980 nous consommons plus de petrole que nous n'en découvrons.

Les pics de production (de pétrole, de gaz, plus lointain, de charbon) sont donc inévitables, et à priori le pic pétrolier est en cours.

Nous pouvons donc considérer que d'ici peu, la production et la consommation d'énergie fossile vont diminuer de manière durable, et que le PIB mondial fera de même.

Ceci étant dit, l'économiste Arthur Okun a proposé en 1962 une relation linéaire empirique entre le taux de variation du PIB et la variation du taux de chômage.
Croissance du PIB et évolution annuelle du taux de chômage en France entre 1970 et 1989, et entre 1990 et 2007.

Vu autrement, c'est moins clair,
mais de là viennent des affirmations comme celles-ci : pour créer des emplois, le PIB français doit croître d'au moins 1,5%. Et pour faire baisser le chômage, c'est-à-dire créer suffisamment d'emplois pour absorber la croissance de la population active, la croissance doit atteindre au moins 1,8%.
Même imparfaite, la corrélation entre taux de croissance du PIB et variation du taux de chômage existe, et la période de stagnation (ou lente décroissance) du PIB qui est devant nous peut donc légitimement faire craindre une montée du chômage.
Sans le sous-estimer, ce risque ne doit pas nous effrayer. La longue période de transition qui est devant nous s'annonce même comme un défi enthousiasmant.

Le renchérissement du prix des importations (par des taxes d'importations européennes intelligentes) et l'augmentation continue du prix des énergies fossiles (non par les variations ératiques du cours du baril, mais par l'augmentation continue de la taxe carbone) changera l'environnement économique de l'Europe.
En premier lieu, cela rendra plus rentable l'isolation thermiques des logements les moins efficaces énergétiquement, et la construction de logements nouveaux plus économes (voire à énergie positive). Rénover thermiquement les logements anciens est un chantier s'étalant sur plusieurs dizaines d'années.
Les priorités de la transition écologiques devront être :
1) remplacer le chauffage au gaz et au fioul par de l’isolation efficace, des pompes à chaleur, de la biomasse.
2) limiter les émissions de CO2 des industries (on voit qu'il faudra également taxer le contenu en CO2 des produits importés depuis des pays n'ayant pas implémenté de taxe carbone, afin de dissuader la fuite des industries émettrices de CO2 vers ces pays : c'est ce que je proposais ici).
3) diminuer très rapidement la consommation des véhicules (donc leurs poids et leur puissance).

En second lieu, cela contribura à relocaliser la production. La raréfaction et le renchérissement de l'énergie (et du pétrole en premier lieu) rapprochera les activités de production de leur lieu de consommation, et cela permettra aussi de préserver notre qualité de vie et nos échanges humains, et de réhabiter nos territoires.

Enfin, cela donnera de la valeur au travail humain, actuellement pénalisé par le fait que nous ne payons pas l'énergie (qui peut remplacer beaucoup de travail humain) à son 'juste' prix.

Le plan évoqué ci-dessus (rénovation et isolation de logements, décarbonation des industries, développement de véhicules moins émissifs, mais aussi relocalisation des production, dont la production d'énergie) demande des investissements lourds.
Les recettes de la taxe carbone pourront y être dédiées mais ne seront pas suffisantes.
On peut également imaginer un plan européen pour financer la transition écologique : la BCE avancerait des fonds à des banques d'investissement publiques spécialement créées pour piloter la transition.
Autre piste : mobiliser l'épargne, par exemple en émettant des obligations européennes à long terme dont les fonds seront dédiés aux projets de transition écologique.

Pour en revenir au sujet de départ (le chômage) et aux recettes de grand-mère, l'indemnisation des chômeurs est un sujet piège. La réduction drastique du montant ou de la durée de ces indemnisations ne suffira probablement pas à faire baisser le taux de chômage, mais fera très certainement augmenter le taux de pauvreté et le niveau de bien-être général. Parallèlement à la mise en oeuvre progressive de l'Allocation Universelle, je propose de diminuer d'autant les indemnisations chômage. Un travail de concertation européen doit également être mené afin d'évaluer l'efficacité des dispositifs très variés d'indemnisation des chômeurs, pour aller vers un système harmonisé et efficace.