dimanche 16 décembre 2018

démographie et écologie


Si j'ai déjà pas mal réfléchi aux moyens à mobiliser pour réaliser notre transition énergétique, j'ai encore peu exploré la question de la démographie.


Et pourtant l'équation de Kaya nous dit depuis longtemps que la population est un des termes à regarder :
Je proposais plus tôt de nous concentrer au plus vite sur la diminution de l'intensité énergétique de l'économie et du contenu en CO2 de l'énergie (décarboner l'économie) et je milite également pour agir sur la production (taxer la consommation ; encourager la durabilité, la réparabilité, la recyclabilité des produits fabriqués).

Il faut également parler population. Même l'AFP nous en parle comme un "moyen" efficace pour réduire son empreinte carbone :

Premier élément important : autant je demande sans états d'âme que les Etats légifèrent sur les inégalités de revenus et patrimoines et se fixent un coefficient de Gini cible, autant je n'aimerais pas vivre dans un pays qui légifère et adopte des lois contraignantes pour atteindre un taux de natalité cible. Cela me parait être une intrusion dans le domaine privé et intime, comme le serait des législations contraignantes sur le choix du conjoint, les convictions religieuses, politiques ou philosophiques.

Mes propositions inciteraient-elles les couples à avoir moins d'enfants? Pour un pays dit développé comme la France, je ne le crois pas. La suppression du quotient familial et des allocations familiales dans le cadre de l'instauration d'une Allocation universelle n'aurait pas le même impact psychologique si l'on reste avec l'actuel impôt sur le revenu ou si l'on instaure la Taxe à l'Actif Net.
Personnellement je ne crois pas qu'un couple puisse avoir des enfants par seul intérêt économique.

Comme l'écrit Jean-Marc Jancovici, il est établi que pour cesser d’enrichir l’atmosphère en gaz carbonique il faut diviser les émissions mondiales de 2010 par 3 au moins.
"Peut-on diviser la population mondiale par 3 ? Le décider de manière planifiée et rapide (40 ans c’est court) portant le nom désagréable de massacre ou de génocide, il est peu probable que cela constitue une option considérée de manière sérieuse. Et compter sur une épidémie (qui devrait aussi diviser par 3 la population des pays riches, gros émetteurs) pour faire le travail à notre place peut difficilement être souhaité !"


Première objection à l'équation de Kaya :
les différents termes de l'équation ne sont pas indépendants les uns des autres : quand le niveau de vie d'un pays augmente, le volume de production augmente mais le taux de natalité diminue. Au total on constate que les émissions de gaz à effet de serre augmentent également, puisque jusqu'à présent nous considérons qu'un pays se développe quand son PIB augmente, ce qui sur le modèle des pays occidentaux se fait par une augmentation de sa consommation d'énergie et donc ses émissions (voir ici la forte corrélation entre PIB et énergie). Peut-être que dans le développement économique au sens classique, baisse du taux de natalité et augmentation du PIB sont liés. Comme l'écrit Fabrice Hadjadj : "Le développement du consumérisme et la diminution de nombre d'enfants par famille sont étroitement corrélés".
C'est ce que semble montrer un graphique comme celui-ci, pour la France entre 1800 et 2013 :
Tendance générale que l'on retrouve à différentes vitesses et avec quelques soubresauts pour beaucoup de pays à différents stades de développement :
(ici en version animée et mondiale)
Malheureusement les faits montrent aussi que le développement économique au sens classique s'accompagne aussi d'une hausse des émissions de gaz à effet de serre. C'est pour l'instant le seul modèle que nous ayons.


Deuxième objection :
Le temps nécessaire à la décroissance de la population est forcément long, au moins de l'ordre d'une génération, puisque nous ne souhaitons pas de catastrophes à l'humanité. Cela nous laisse à mon avis comme seule option court-terme de travailler de toutes nos forces à la décroissance de notre empreinte écologique, et de le faire sur un temps inférieur à celui d'une génération.

Pour mettre d'accord ceux qui disent qu'on consomme trop et ceux qui disent qu'on est trop nombreux, Cyril Meynierr propose astucieusement ce type de graphique, présentant empreinte écologique par habitant vs. nombre d'habitants par hectares de biocapacité.

J'ai trouvé une très bonne analyse de ce type de graphique et de leurs implications sur le site démographie responsable. Je vous invite fortement à la lire.
USA, France, Nigeria, Bangladesh, Burundi et Haïti, utilisent chacun à peu près 2 fois leur biocapacité, mais avec des situations très différentes.
Les 2 flèches vertes représentent 2 solutions extrêmes de retour à l'équilibre pour la France, l'une par réduction de l'empreinte individuelle uniquement, l'autre par réduction de la population uniquement (population et non densité, car la biocapacité d'un territoire évolue peu dans le temps). Evidemment, toute solution intermédiaire comprise dans la surface verte, et incluant à la fois la baisse de l’empreinte et la baisse de la population est envisageable et sans doute préférable. Les flèches rouges sont d'autre scénarii possibles, mais laisser une des grandeurs partir à la hausse demande nécessairement plus d'efforts sur l'autre.
La conclusion de l'analyse développe les notions de populations soutenable et optimale, avec cette conclusion chiffrée :

L'empreinte écologique de l'humanité doit re-devenir inférieure à la biocapacité de notre planète. Si les pays sont la bonne échelle pour envisager des mesures législatives et accompagnement gouvernemental de cette trajectoire vers l'équilibre, l'équilibre empreinte=biocapacité est peut-être à rechercher sur des territoires beaucoup moins grands que les pays actuels, de la taille d'un bassin de consommation locale ou d'utilisation d'une monnaie locale complémentaire, un territoire rassemblant environ 25000 habitants par exemple.

Enfin, méfions-nous que les pays dit "les moins avancés" (sur l'échelle faussée de la richesse mesurée par le PIB) n'adoptent pas en même temps nos forts taux d'émissions de gaz à effet de serre et nos faibles taux taux de fécondité.

Je partage cette opinion :

Pour avancer sur le terrain de la transition écologique, il faut aussi combattre les inégalités sociales et les idéologies natalistes, et poursuivre l’émancipation des femmes.

Mais pour l'instant mon avis reste celui-ci :

Il n'y a pas forcément trop d'habitants sur cette planète, mais trop d'hyperconsommateurs automobilistes égoïstes.

Si l'on revient à la fameuse équation de Kaya et qu'on regarde comment ont évolué ses différents termes dans le passé et quelle projection on pourrait avoir, cela donne ça :

(extrait de la présentation sur la Contribution Climat Energie, par Alain Grandjean pour la Fondation Nicolas Hulot).

Je reste persuadé qu'une partie de la solution au problème du réchauffement climatique passe par le fait d'arrêter de se fixer comme objectif la croissance du PIB, ou celle du PIB par habitant.

Je laisse le mot de la fin à Fabrice Hadjadj : "la Terre n'est belle que par la vie qui s'y déploie, et cette vie se manifeste encore plus dans l'animal rationnel et souvent déraisonnable qu'on appelle homme, seul à pouvoir célébrer la beauté du monde, comprendre sa biodiversité et la protéger".
Personnellement, c'est la présence de mes enfants qui m'ont lancé dans mes réflexions sur l'avenir à long terme de l'humanité.

1 commentaire:

  1. Je vous invite à lire cet article Du Point de Gilles Pison, professeur au Muséum national d'histoire naturelle et chercheur associé à l'Ined, Muséum national d'histoire naturelle
    https://www.lepoint.fr/monde/sommes-nous-trop-nombreux-sur-terre-26-07-2017-2145872_24.php

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